La Morrigan

   Le jour décline déjà. La fureur du combat s'est éteinte. Chaque clan a subi de lourdes pertes. Les morts sont nombreux au milieu de la lande, les blessés encore plus. Combien sont ceux qui succomberont à leurs blessures ? Depuis quelques mois, les conflits entre les différents clans font rage. Tous veulent posséder la colline sacrée, celle sur laquelle nos ancêtres ont érigées un cairn.

   Ce soir, je ne rentre pas au village, je souhaite honorer nos morts, mes amies, mes compagnons, mes sœurs, mes frères ainsi que tous ces inconnus ... Il fut décidé par les aristocrates de la tribu de laisser le corps des nôtres avec ceux de nos ennemis d'un jour. Leurs épées et leurs lances ont été ramassées, elles seront pliées par nos forgerons et jetées dans la rivière pour rendre un dernier hommage à nos combattants qui ont péri pour un petit bout de terre.

   J'erre au milieu des morts, je reconnais certains de mes amis, ceux et celles avec qui je partageaist mes jeux d'enfants. Certains visages sont déformés par la douleur, je pleure, les voyant livré aux éléments, je voudrais leurs offrir un dernier voyage digne de leurs bravoures.

   Alors que je tombe à genoux, éprouvé par le combat. Ma peine, en face de moi sur la colline sacrée m' est apparue. Sa longue chevelure brune volant au vent, son regard vert dégageant force et puissance. La Morrigan est là, la déesse de la souveraineté accompagnée de sa louve blanche est venue prendre son dû. Elle lève les bras au ciel et derrière elle  une nuée de corneilles l'entoure et s'élance vers les corps des guerriers. Ses oiseaux viennent se nourrir, je ne peux les chasser elles sont trop nombreuses et ne peux interférer dans ce rituel. Si la Morrigan et ses corneilles sont là c'est que nous avons combattu avec honneur et bravoure. Les oiseaux vont se nourrir du corps des braves et finiront par  s'envoler dans le ciel pour rejoindre les dieux avec leurs âmes guerrières. Ils vont rejoindre l'Autre Monde et les héros des temps anciens.

   Je ne rentrerai pas au village, je pars sur les chemins et vais  parcourir les landes. Je préfère fuir plutôt que d'assister de nouveau à ce spectacle car la prochaine  fois je serais peut-être l'une de ses âmes guerrières dévorées par les corneilles....