Dursun

Les terres de Jaspamarga sont immenses et tellement différentes. Les déserts, grandes steppes, grands massifs montagneux et forêt originelle s'articulent autour de la mégalopole du centre du royaume. Tout au long des chemins, il n'était pas rare d'observer des créatures étranges parfois inoffensives comme le "crachnoyo". Oiseau tout en nuance de jaune et d'orange ressemblant à une flamme lorsqu'il vole et qui au lieu de pousser un cri avant de s'envoler lorsqu'il est dérangé crache une petite bille de sécrétion de la taille d'un noyau de cerise.

Les rencontres étaient parfois plus dangereuses comme lorsque Dursun croisa la route de ce "pucolvel" pouvant se traduire par "Loup debout". Il portait bien son nom, mais il aurait également pu s'appeler, "J'ai jamais vu une mâchoire aussi grande". Le pucolvel était  présent dans la mémoire  plus personne n'en avait vu depuis des décennies. Dursun aurait préféré  ne pas être celle qui clamerait qu'ils n'étaient pas éteints. Depuis  la veille, elle avait quitté Denvan la mégalopole de Jaspamarga pour rejoindre les montagnes bleues afin de  continuer sa formation de Querth. Elle savait au fond d'elle que c'était sa voie, parcourir le royaume continuer d'approfondir ses connaissances encore et encore. Le temps viendra où elle pourrait vendre ses services d'historienne, de guérisseuse, de devin, de magicienne ... aux puissants de Jaspamarga toujours pour faire le bien autour d'elle comme lui avait  enseigné son premier mentor. Aller dans les montagnes bleues lui permettrait de continuer son apprentissage en apprenant à maîtriser la magie naine que bien peu de Querth connaissait.

Le soleil commençait sa longue descente, Dursun laissait derrière elle les tourbières de Largh qui alimentaient la cité en combustible. Il était temps pour la jeune  Querth de chercher un abri pour la nuit, Dursun souhaitait s'éloigner de la route qui était la plus mal famée du royaume, détrousseurs en tout genre savaient que cette voie était stratégique pour le transport de biens. Une petite clairière dans un bosquet ferait parfaitement l'affaire pour que Dursun puisse se reposer jusqu'aux premières lueurs de l'astre solaire. Emmitouflée dans ses couvertures elle écoutait la nature environnante, elle remarqua que les sons changeaient, ils devenaient de plus en plus discrets jusqu'à disparaître. Cela n'était pas normal, au crépuscule habituellement, elle savait que les oiseaux entre autres s'adonnaient à des concerts de trilles.  Dursun tapie dans les fougères mis naturellement tous ses sens en éveil. Un souffle rauque s'approchait de la clairière, une forte odeur de charogne émanait de la bête. Quand elle la vit, elle retint  un cri d'horreur.

Là dans la clairière, se tenait un pucolvel debout sur ses pattes arrières humant l'air. Oui, elle avait devant elle un loup debout, il mesurait près de 2,20m, il se dégageait de lui une force phénomenale qui  se confirma lorsqu'il s'appuya sur un bouleau qui plia jusqu'à se briser. Il agitait ses pattes avant dans l'air semblant chasser un insecte qu'il était seul à voir, ses longues griffes émettaient un sifflement au contact de l'air. Dursun avait cessé de respirer, une sueur glacée lui coulait le long de la colonne vertébrale. Elle dut se mordre la lèvre quand le pucolvel pencha sa lourde tête en arrière pour pousser son hurlement annonciateur de mort. Elle n'en revenait pas.  Sa mâchoire inférieure se décrocha pour amplifier encore plus son cri laissant apparaître deux rangées de dents ruisselantes du sang de sa victime. Le pucovel retomba sur ses 4 pattes faisant vibrer la clairière et partit en courant dans la direction de Dursun. Dursun se mit à pleurer  sentant  sa dernière heure arrivée mais il ne la remarqua pas ou ne voulut pas la remarquer, bondit par dessus sa couche et disparut dans la nuit. 

Dursun se sentit très mal, elle tremblait de tout son corps. Les pucovel n'étaient  donc  pas une légende. Elle ne dormit pas de la nuit serrant contre elle la dague en acier damassé. Aux premières lueurs du soleil , elle sortit son carnet et se mit à dessiner sa rencontre de la nuit ...