1 Mars 2022
Suite du Journal de bord du Red Eyes ...
15 mai 1763
Le rhum ne m'aide pas à avoir les idées plus clairs mais il a l'avantage de souder les liens de l'équipage. Nous continuons notre chemin vers la route marchande entre l'Espagne et les Amériques. Le Red Eyes vogue mieux que ce que j'espérais.
Les charpentiers s'affèrent à remettre en état le navire après nos attaques. Mon second quartier-maître, un Écossais dont la tête est mise à prix pour plusieurs livres en Angleterre me fait remonter qu'une escale sur Buena Espérenza serait le bien venu pour faire le plein de vivre et pour que les hommes du bois puissent finir les réparations et apporter certaines améliorations au navire. Il me dit qu'un peu de repos serait le bien venu pour les hommes ... Il est en contact permanent avec eu, il sait ce qui est bon pour eux. Nous prenons donc la direction de l'archipel de Buena Espérenza.
Un jour il faudra que je lui demande pourquoi les vestes rouges le recherche ...
17 mai 1763
Les côtes de Buena Espérenza sont en vues depuis ce matin, nous accosterons dans l’après-midi. J'ai réuni mes deux quartiers-maîtres Grand-Récif et Cluaran (Chardon en Gaélique). Je leur demande d'organiser les tours de gardes sur le Red Eyes pendant que le reste de l'équipage sera à terre à prendre du bon temps, de,surveiller l'avancement des travaux et de gérer les stocks de vivre.
Je souhaite reprendre la mer très vite. Je sais que si les hommes restent trop à terre plus il sera difficile de les rassembler le moment venu, je demande à mes deux seconds d'être vigilants. Je sais que Grand-Récif et Cluaran n'hésiteront pas à faire usage de la force et de faire couler le sang pour faire respecter mes ordres.
Il est à peine 5 heures du soir que nous accostons, les ordres sont donnés. Chacun sait ce qu'il a faire.
18 mai 1763
J'ai passé la journée sur l'île entre les différentes tavernes à prendre du bon temps entre les femmes, l'alcool et la nourriture. En fin de journée j'ai retrouvé mon quartier-maître Écossais à l'auberge du "Tonneau qui fuit" alors que Grand-Récif est à bord du Red Eyes.
Le rhum coule à flot, l'alcool nous aidant l'un et l'autre nous nous confions l'un à l'autre. Lui sur sa fuite des terres Bretonnes et moi de mon aversion pour les navires négriers et leurs capitaines. Je lui raconte l'histoire de L'Utile cette frégate de la Compagnie Française des Indes Orientales. Dans la nuit du 31 juillet et 1er aout 1761, L'Utile affrétée par Jean-Joseph de Laborde et commandée par Jean-Joseph de La Fargue fait naufrage sur les récifs coralliens de l'île de Tromelin. Le bateau avait à son bord cent quarante deux hommes d'équipage, La Fargue avait embarqué cent soixante hommes, femmes et enfants Malgaches à Foulpointe pour les emmener en esclavage de Madagascar à l'île de France (actuel île Maurice). Une erreur de navigation de ce piètre marin qui utilise deux cartes contradictoires et une navigation hasardeuse de nuit fait échouer le navire sur les récifs de l'île de Tromelin.
Lors du naufrage , les cent quarante deux hommes d'équipage et une soixantaine de Malgaches arrivent à rejoindre l'ile. Les autres esclaves étaient encore enfermés dans les cales dont les issues étaient clouées chaque soir de peur d'une révolte. Ils périrent noyés les corps enchainés au navire. L'équipage récupéra différents équipements de L'Utile, des vivres et du bois. Ils firent creuser des puits aux esclaves, obtenant une eau à peine potable, ils se nourrirent des quelques vivres, des tortures et des oiseaux de mer. Beaucoup d'hommes moururent.
De La Fargue perdit la raison c'est son second Barthélémy Castellan de Vernet qui pris le commandement. Il fit construire deux campements l'un pour les hommes d'équipage et avec les matériaux qui restaient pour les esclaves. Castellan fit construire une embarcation de fortune où les cent vingt deux marins restants embarquèrent deux mois après le naufrage laissant les esclaves sur Tromelin.
Castellan promit aux Malgaches qu'il reviendrait les chercher, mais il ne revint jamais. Tous ses hommes, femmes et enfants périrent sur cette minuscule ile gardant l'espoir d'être sauvé par leurs tortionnaires. Je me suis juré de retrouver Castellan et De Laborde pour leur faire payer ce qu'ils ont fait à ses hommes, ses femmes et ses enfants.
Mon récit terminé je constatais que de nombreux marins s'étaient attroupés autour de nus pour m'écouter ...